Cahier des charges de Règne Végétal
Cahier des charges en apiculture
Après avoir suivi une formation apicole conventionnelle, un BPREA, à Auterive dans le 31 j’ai suivi des stages en apiculture biodynamique en synergie avec l’Abeille noire, notre abeille endémique.
Ces dernières années, bouleversé par les dégradations des habitats et par les méthodes techniques qui transforment cet organisme qu’est l’essaim à des fins productives, j’ai décidé de suivre une apiculture responsable, en totale synergie avec l’Abeille.
Depuis une centaine d’années, l’apiculture est devenue une activité de production à part entière et le miel est devenu une simple marchandise alors qu’il était considéré comme un produit précieux, un produit médicinal unique, issu de l’union de deux règnes, végétal et animal.
Il n’est donc pas étonnant de voir actuellement dépérir les colonies d’Abeilles, les « Filles du soleil » comme les nommait Victor Hugo, qui sont devenues une marchandise, alignées sur des techniques manuelles qui tiennent compte d’un savoir-faire productif sans aucune notion de l’organisme perturbé, qui tente de survivre malgré la réduction drastique des écosystèmes et des mutations volontaires dues à l’Homme.
En changeant les méthodes et approches, j’ai découvert une civilisation très avancée, un organisme qui a fait un pari unique dans les règnes, celui de tout miser sur une société matriarcale. Ce que l’Homme change depuis une bonne trentaine d’année pour optimiser le processus de domestication* en élevant des mères (reines) selon ses propres critères, ce qui rend les organismes dépendants de 20 années de technique sans projection sur le futur en remplacement des 120 millions d’années d’évolution.
Heureusement, l’apiculture bio-centrique connaît un essor considérable, même si elle reste encore marginale en France par rapport aux techniques interventionnelles et de forçage productif, elle connaît des succès importants en permettant à l’apiculteur de demain une collaboration étroite dans le respect d’un règne essentiel.
Nous avons donc défini un cahier des charges extrêmement précis, dans le but d’échanger avec l’Abeille Noire plutôt que de soumettre à nos propres références un monde que l’on ne connaît que partiellement.
Notre cahier des charges est aligné sur les recommandations de spécialistes du CNRS et des études diverses sur l’Abeille que nous lions à nos propres observations, augmenté de la puissance du cahier des charges de DEMETER, ce qui donne une synergie totale avec les essaims, un équilibre entre les règnes et une énergie totalement préservée issue de ces communions.
En voici les principales obligations:
Travail en synergie totale avec l’Abeille Noire, abeille locale et endémique.
Interdiction de travailler avec des Abeilles importées ou hybridées
Aucun produit chimique, ni intrant, ni même antibiotique, pas de répulsif pour la récolte
Pas ou très peu d’enfumage, excepté pour des interventions extrêmes,
Aucun plastique ou dérivé du pétrole n’entre dans la constitution de la ruche
(depuis 2015, le traçage des composants dans les matières plastiques ont été supprimés et les fortes chaleurs sont à l’origine d’émanations toxiques possibles), les métaux sont aussi éliminés en dehors de la protection anti-frelon de l’entrée de ruche.
Le bois des ruches est issu de récoltes durables et ne doit pas faire l’objet de plantations arbitraires, nos ruches sont en bois de Paulownia, plus léger, plus isolant et tanique, ce qui confère aux essaims une protection identique à celle du bois de Châtaignier.
Aucun traitement protecteur du bois sur la ruche hormis, éventuellement, une huile naturelle de lin, (Bio), un vernis naturel étudié spécialement pour la protection des Abeilles et insectes.
Une ruche naturellement optimisée pour éviter les chaleurs excessives ou froids intenses comme si l’essaim vivait dans un tronc d’arbre.
Une ruche étudiée sur les volumes idéalement choisis par les Abeilles, qui s’agrandit du haut vers le bas, les abeilles construisant de haut en bas, sachant très bien que la meilleure des ruches n’existe pas en dehors de celle choisie par les Abeilles.
Interdiction de nourrir avec du sucre, même Bio. Exceptionnellement et sur dérogation, nourrissage avec le miel prélevé sur les ruches dont une partie de la récolte est mise de côté pour un sauvetage éventuel après des périodes climatiques extrêmes.
La cire industrielle est interdite, soi-disant accélératrice des processus de fabrication des rayons par les abeilles, elle contient des polluants, des traces de pesticides et surtout des éléments pathogènes, de plus les cellules ne correspondent pas à l’abeille en termes de taille, la cire préfabriquée par l’apiculteur pour les rayons rencontre les mêmes problèmes !
Pas d’emploi de cadres à l’intérieur des ruches, nous disposons des barrettes de bois (Paulownia) sur lesquelles les abeilles viennent s’appuyer pour construire les rayons. Libres de construction, les abeilles bâtissent des ponts, des ouvertures entre les rayons pour favoriser le passage de l’air et la circulation de ce dernier, optimisant les parcours des vapeurs de propolis parfaitement réparties suivant leurs propres besoins.
Interdiction d’ouvertures intempestives de la ruche et interdiction d’exposer le couvain à la lumière du soleil et des UV. Sortir des rayons pour observer le bon état du couvain et la bonne répartition de ce dernier est fortement préjudiciable. Il faut 36 heures aux abeilles pour réadapter la température dans la ruche, nécessitant un travail important et une réorganisation qui perturbe l’essaim, de plus, exposer des rayons à l’air libre est hautement pathogène pour l’ensemble de la ruche. Pour parer à ces inconvénients, nous disposons des vitres occultées par des volets isolés qui nous permettent de vérifier l’état de santé de l’essaim, sans déranger, sans refroidir ou modifier brutalement la température et l’ordre régnant dans l’essaim.
Interdiction de tuer la « Mère » (reine) de la ruche tous les deux ans pour la remplacer par une plus jeune qui augmentera la capacité de ponte. C’est un dérèglement préjudiciable que d’empêcher la transmission de la mère. L’apiculture conventionnelle augmente artificiellement le nombre d’abeilles pour + de production, ce qui nécessite des nourrissements au sucre, en argumentant que la « mère » est moins prolifique à la troisième année, alors qu’en fait, elle devient plus attentive aux entrées de nectar et s’adapte à son environnement pour augmenter ses pontes et agrandir sa famille en toute sécurité alimentaire. Quand les « mères » deviennent trop âgées, les Filles de la ruche, les Abeilles, décident elles-mêmes selon leurs propres critères de poursuivre leur évolution en nourrissant des cellules « royales » destinées à remplacer l’ancienne mère qui part alors avec une partie de ses effectifs pour une nouvelle aventure que l’on nomme « essaimage ».
Laissant l’organisme (l’essaim) décider par lui-même, nous ne voyons aucune utilité à marquer les mères d’une couleur indiquant leur âge, ce qui est d’un point de vue biocentrique une erreur d’analyse et de compréhension de ce monde très avancé structurellement.
Obligation d’apporter des traitements naturels autour des ruchers pour augmenter les résistances végétales, rétablir l’équilibre des sols et dynamiser l’énergie vitale. (Purins de plantes médicinales, silice, préparation de camomille, (stabilisatrice de calcium), d’ortie, de valériane sans oublier de replanter des espèces médicinales indispensable à la santé et aux besoins d’Apis mellifera mellifera, plantations de haies, d’arbres, régénération des essences végétales indispensables.
Interdiction de rogner les ailes de la mère (reine) pour l’empêcher d’essaimer. Souvent pratiqué en apiculture conventionnelle, le rognage est considéré comme un acte barbare en api-centrisme.
Interdiction de supprimer l’essaimage, de le contrarier ou d’intervenir pour l’empêcher de se développer. Le système de reproduction des Abeilles passe par la « mère » (reine) et le système de reproduction de l’essaim ou de l’organisme passe par l’essaimage. Seules les Abeilles utilisent ce double système de multiplication pour assurer la survie de leur groupe.
En apiculture biodynamique, nous mettons en avant une culture biocentrique, la nature est sacralisée, car toute vie appelle le respect, l’homme ne se situe plus au sommet de la hiérarchie du vivant, mais s’inscrit au contraire dans l’écosphère en tant que partie du tout, le bio-centrisme adapté à l’apiculture donne le terme d’api-centrisme.
Conditions de récoltes : les trois quarts des éléments stockés restent disponibles pour la ruche, une seule récolte autorisée par an et par ruche, généralement entre 7 et 10 kg ce qui est suffisant pour l’apiculteur et surtout ce qui permet de bénéficier d’un produit issu d’une ruche naturellement en bonne santé.
Toute apiculture itinérante ou de transhumance est proscrite – Le fait de déplacer 100, 200 ruches, voire 500 ou plus par les apiculteurs, va bouleverser durablement le territoire où elles sont entreposées.
Ces millions d’Abeilles qui se déversent sur les nectars, floraisons vont chasser toutes les abeilles sauvages et bousculer les écosystèmes, entraînant fatalement des transmissions d’éléments pathogènes. Les abeilles sauvages forment 60 % de la pollinisation et ont accès à des fleurs qui sont physiquement impossibles à visiter pour les abeilles mellifères, mais ne supportent pas une concurrence invasive qui va brusquement supprimer 40 % de leur alimentation.
Le miel est extrait naturellement, sans utilisation de centrifugeuse qui altère les propriétés du miel en sur-oxygénant ce dernier. Les Miels sont pressés mécaniquement avec une presse à main, ils ne sont pas chauffés, ils conservent ainsi toute leur saveur et leur propriétés médicinales. Aucun mélange n’est autorisé.
L’api-centrisme nous permet de remettre à jour des définitions beaucoup plus adaptées, « Reine » est remplacé par le nom de « Mère » plus juste, car les habitants de la ruche sont les Filles et Fils d’une mère. Il n’y a plus d’ouvrières, les Abeilles sont des êtres distincts qui répondent à des besoins spécifiques dont le libre arbitre observé scientifiquement fait partie intégrante de leur implication au sein de la ruche.
Elles répondent à des stimuli chimiques et olfactifs émis par la « Mère », c’est un langage, certes qui nous échappe, un langage en plusieurs dimensions, on sait aujourd’hui qu’il émane des phéromones de la mère, une capacité à soigner ses enfants, prolonger leur vie, les apaiser, les calmer. Il ne s’agit pas d’Abeilles domestiques, mais d’abeilles sociales, contrairement aux abeilles sauvages, et l’essaim est désormais vu comme un super-organisme qui réagit par l’intermédiaire de ses cellules autonomes et vivantes.
Ces nuances permettent une approche respectueuse et plus adaptées à la compréhension d’une société extrêmement développée qui établit ses choix d’ensemble sur un aspect démocratique*.
En aucun cas nous sommes les « Bergers des Abeilles », nous ne considérons pas l’Homme comme indispensable dans les écosystèmes, nous ne « gardons » pas les Abeilles mais tentons de mettre du sens dans notre relation, dans nos observations, d’établir un équilibre dans nos échanges, ce dernier dépendant d’une pratique respectueuse et non égocentrique.
Ce sont aujourd’hui des découvertes fabuleuses qui nous ouvrent de nouvelles voies de communication avec la Nature, les Arbres, les Plantes, les Forêts, les Fleurs et celle qui a lié, il y a 120 millions d’années, un pacte qui allait unir deux règnes, l’un animal et l’autre végétal…
Dans l’optimisation des plans de concertations « agro-économiques » et énergétiques, le retour à des productions locales est un impératif à court terme (< à 10 ans – 2023).
Aujourd’hui, produire un miel de haute qualité (qui était un miel commun il y a 80 ans) implique une préparation et adaptation des surfaces agricoles qui doivent permettre aux Abeilles d’être autonome avec des essences variées, résistantes aux aléas climatiques, pluies importantes suivies de sécheresses.
Notre système biodynamique adapté à l’apiculture fonctionne très bien à ce jour, mais nécessite des ruchers éloignés des zones agricoles qui utilisent des pesticides qui nuisent fortement aux essaims, à l’eau, à l’air, à la faune, aux écosystèmes, à la Terre.
De nombreux pays en Europe travaillent sur une adaptation en agroforesterie pour optimiser les surfaces travaillées en Bio qui assureront aussi une pollinisation efficace et un retour de pérennité sur la durée de vie des organismes vivants que sont les Abeilles.
Dans la projection étudiée, haies, arbres, prairies, plantes médicinales et aromatiques, 24 hectares peuvent héberger plus de cent ruches soit quatre à cinq ruches à l’hectare, alors qu’en zones sans adaptation des écosystèmes, une ruche à l’hectare est seulement conseillée (sans apport externe de sucres raffinés pour la nourriture hivernale, interdit par notre cahier des charges).
Il sera impossible dans un avenir proche de continuer à tendre les productions, artificiellement et sans aménagement, ce qui va imposer aux apiculteurs un peu plus de réflexion sur leur environnement. Ou ils devront les adapter, ou ils devront réduire les ruchers en fonction des possibilités de nourriture naturelle.
Ce que nous pouvons encore faire facilement aujourd’hui sera plus compliqué dans un avenir ou les conditions aussi bien énergétiques que climatiques durciront et augmenteront les coûts d’adaptation, compliqueront les biotopes nécessaires à des équilibres agricoles et risqueraient de nous rendre dépendant d’importations avec tout les dommages que cela englobe.
La résilience alimentaire des territoires va dépendre des investissements et préparations techniques d’aujourd’hui.
A titre d’exemple, un hectare de Paulownia est l’équivalent de 400 kg de miel de haute qualité, un hectare de plantes aromatiques et médicinales remplacent tout traitement naturel qui permettent aux essaims de vivre comme au siècle dernier, sans apport complémentaire.
Notre étude offre une piste concrète pour une apiculture la plus naturelle possible, durable, respectueuse des Abeilles, de la conception des ruchers, conduite des colonies, sans intervention systématique, jusqu’à la récolte partielle de miel. Cette mise en place est largement étayée par les travaux de recherche scientifique les plus récents, qui nous amènent également à renouveler notre façon de penser et de collaborer dans notre société.
Remerciements : Déméter – Études CNRS – INSERM – INRAE – Magasines scientifiques : NATURE – SCIENCE et les milliers d’apiculteurs de par le monde qui s’orientent vers cette nouvelle approche digne des meilleurs espoirs, l’api-centrisme.
- La démocratie chez les Abeilles CNRS – MHN
- Dans le secret des Abeilles – Sylla De Saint Pierre
- L’étonnante Abeille – Jurgen Tautz Centre de biologie de l’Université bavaroise
- Natural Beekeeping With teh Warré hive – David Heaf
- L’énigme de l’Abeille – Rémy Chauvin – Professeur à la Sorbonne
- Le rucher durable – Jean Riondet
- L’apîculture biodynamique – Thierry BORDAGE, Vincent CANOVA, Nicolas DUBRANNA, Jean-Michel FLORIN, Yann LE COGUIC, Thomas RADETZKI, Michael REITER, Thomas D. SEELEY, Michael WEILER et Johannes WIRZ.